La solitude dans No et moi
La solitude de Lou
Lou incarne la solitude sous plusieurs formes : familiale, scolaire et émotionnelle.
- Un passé douloureux :
- Après la mort de sa petite sœur Thaïs, Lou devient « renfermée et solitaire » [P49]. Cet événement bouleverse sa famille, particulièrement sa mère Anouk qui sombre dans une dépression sévère.
- Cette dépression entraîne une rupture affective entre Lou et sa mère, marquée par une absence totale d'affection : « plus jamais elle ne me serre contre elle » [P55].
- Ce manque d'amour maternel a un impact direct sur Lou, qui grandit avec un sentiment d'invisibilité et de rejet : « Je voudrais seulement qu'elle me regarde, qu'elle me voie ».
- Exclusion sociale :
- À l'école, Lou est en décalage avec ses camarades : elle est plus jeune, plus petite et intellectuellement précoce. Cela accentue son isolement.
- Elle décrit son quotidien comme un spectateur de la vie des autres :
- Elle s'assoit seule sur un banc dans la cour d'école pour observer les élèves : « Je reste dans mon coin, avec mon cahier et mon stylo » [P34].
- Les moqueries d'Axelle Vernoux et Léa Germain renforcent son sentiment d'exclusion dès la première page : « Axelle et Léa pouffent en silence derrière leurs mains » [P11].
- Pour fuir cette solitude, Lou développe une habitude symbolique : elle se rend à la gare d'Austerlitz après l'école pour observer les passagers : « J'aime bien regarder l'émotion des gens » [P15]. Cette émotion, qu'elle ne trouve pas dans sa propre vie, souligne son besoin de connexion humaine.
- Le manque de confiance :
- La solitude de Lou est accentuée par son manque de confiance. Elle souhaite participer à la vie des autres mais n'ose pas. Par exemple, elle se prépare pour la fête de Léa mais renonce au dernier moment : « si elle (Anouk) avait dit tu es très jolie... je crois que j'aurais trouvé la force de sortir » [P35].
Lou, malgré son intelligence exceptionnelle, est présentée comme une figure fragile au début du roman, cherchant désespérément à sortir de son isolement.
La solitude de No
No est une représentation tragique de la solitude extrême qui touche les sans-abris.
- Rejet maternel :
- No a grandi sans amour ni stabilité familiale, conséquence directe de son rejet par sa mère dès sa naissance.
- Ce rejet est insupportable pour No, et elle porte cette douleur tout au long du roman : « Elle n'a jamais pris No dans ses bras. Elle n'a jamais dit 'je t'aime'. »
- Cette absence d'affection a laissé des cicatrices profondes, empêchant No de tisser des relations durables.
- Une vie dans la rue :
- La solitude de No est exacerbée par sa vie de sans-abri, où les liens humains sont presque inexistants.
- Elle exprime avec cynisme la dure réalité des sans-abris : « Dehors, on n'a pas d'amis » [P58]. Même parmi les autres exclus comme Momo et Michel, les relations sont superficielles et fragiles.
- La rue est un lieu de déshumanisation : No décrit comment elle a été réduite à l'état d'animal : « Voilà ce qu'on devient, des bêtes, des putain de bêtes » [P65].
- Un espoir éphémère :
- L'amitié avec Lou et l'accueil temporaire chez les Bertignac offrent à No un semblant de stabilité, mais cela est de courte durée.
- Lorsqu'elle est rejetée à nouveau, No retombe dans sa solitude initiale. Son départ à la gare Saint-Lazare est un moment déchirant qui symbolise l'échec des tentatives de rapprochement.
No est un personnage brisé par la solitude, incapable de se reconstruire en raison de son passé traumatisant et de l'exclusion sociale.
La solitude de Lucas
Lucas présente un contraste saisissant : malgré son apparente popularité, il est profondément seul.
- Un abandon parental :
- Lucas vit seul dans l'appartement familial après avoir été abandonné par ses parents :
- Son père est au Brésil et sa mère vit avec son compagnon à Neuilly [P128].
- Cette solitude domestique contraste avec l'image du garçon populaire et charismatique qu'il affiche à l'école.
- Une façade sociale :
- Lucas est perçu comme « le roi, l'insolent, le rebelle » [P122], respecté et admiré par ses camarades.
- Cependant, cette popularité semble superficielle. Ses relations manquent de profondeur, et il ne semble pas réellement lié aux autres élèves.
- Son rapprochement avec Lou et son soutien à No révèlent une autre facette de Lucas : une envie d'appartenir à une relation sincère et humaine.
Lucas est un personnage solitaire sous une apparence de force et d'insolence. Son amitié avec Lou est un des rares moments où il laisse entrevoir sa véritable fragilité.
La solitude d'Anouk
Anouk est une mère brisée par le deuil.
- Isolement émotionnel :
- Depuis la mort de Thaïs, Anouk vit dans un état de retrait complet : « Elle ne parle presque plus, elle ne bouge pas » [P54].
- Elle est enfermée dans un « monde parallèle » où elle refuse d'interagir avec sa famille.
- Une relation distante avec Lou :
- Le manque de communication et d'affection entre Anouk et Lou est une source de douleur pour Lou, qui ressent le rejet de sa propre mère.
- Anouk, bien qu'elle aime sa fille, est incapable d'exprimer cet amour.
À la fin du roman, Anouk commence à sortir de sa solitude lorsqu'elle serre enfin Lou dans ses bras, un geste symbolique de réconciliation et d'espoir.
La solitude des sans-abris
Delphine de Vigan dépeint les sans-abris comme une communauté invisible, rejetée par la société.
- Une vie de rejet :
- No explique que les sans-abris sont perçus comme des parias : « C'est une fille de la rue, une fille qui vit dans un autre monde » [P74].
- Même entre eux, il n'y a pas de véritables amitiés : « dehors, on n'a pas d'amis ».
- Un thème social puissant :
- La solitude des sans-abris est mise en parallèle avec l'indifférence générale de la société, incarnée par les parents de Lou qui regardent « droit devant eux » lorsqu'ils passent près des campements [P178].
Les changements positifs
À travers le roman, certains personnages parviennent à briser leur solitude :
- Lou :
- Elle gagne en confiance, est acceptée par ses camarades et embrasse Lucas à la fin du roman.
- Sa relation avec No, bien que compliquée, lui permet de sortir de sa coquille.
- Anouk et Bernard :
- Le couple semble se reconstruire, et Anouk commence à reconnecter avec sa fille.
- Lucas :
- Il envisage de vivre avec sa mère, ce qui représente une lueur d'espoir.
Cependant, No reste enfermée dans sa solitude, incapable d'échapper à son destin tragique.